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La Chine subversive

©  Yue Min Jun

La Fondation Miro propose une exposition étonnante. Vermell a Part est un voyage en Chine aux accents subversifs. Rendez-vous jusqu’au 25 mai.

Vermell a Part, Rouge à part, n’est pas un titre anodin. Il s’agit bien de la couleur de l’expo. Le rouge prédomine. Tout un symbole. La Chine d’aujourd’hui a fait de son passé, la Révolution culturelle en tête, une oeuvre d’art. La collection Sigg, présentée ici, reflète l’éventail des agitations artistiques chinoises, toujours portées par une certaine ironie. Une des salles décline d’ailleurs ce thème, on y trouve une oeuvre on ne peut plus décalée de Yue Min Jun- une installation politiquement décalée- montrant des hommes alignés en rang tels les célèbres soldats de Xi’An. Ici, ce sont vingt-cinq hommes en jean et t-shirt blancs arborant des sourires diaboliques et improbables (les bouches sont sur-dimensionnées pour mieux souligner l’ironie). Ailleurs, La Liberté guidant le peuple (clin d’oeil aux Révolutions), reproduit ces mêmes hommes sur la toile, ces mêmes visages aux sourires inhumains. La Révolution comme une claque! Dans l’espace consacré au thème de l’individu et des « Nouveaux chinois », trois grandes pièces, des peintures dont les tons sont les mêmes : le gris, le bleu, le rouge et le jaune. Des à-plat pour des portraits de familles avec nourrissons. Zhang Xiaogang fait partie d’un mouvement artistique, le Réalisme cynique. Le cynisme réside dans ces regards vides, tournés vers nous : des yeux sans âme, dépourvus d’émotions. Ces trois oeuvres, et particulièrement Red Child, portrait d’un enfant rouge sur fond bleu, sont éblouissantes. Les artistes exposés sont de véritables penseurs, des témoins de leur société en perpétuelle évolution.
La propagande réinventée

Dès les premières sections de l’expo (déclinée en six thèmes), le pavé est lancé. Un brin subversive, c’est une explosion de couleurs et un panorama sur la Chine actuelle marquée par la politique rouge: la consommation de masse, les conséquences de la révolution culturelle, du communisme et de ses fantômes… Ainsi, les collages des frères Luo, rassemblant quelques icônes internationales du capitalisme (Coca-Cola, les hamburgers…) sur fond de propagande communiste. Plus loin, Wang Guangyi réinvente ces symboles en s’inspirant de son iconographie publicitaire. Une toile représente les ouvrières de Mao munies du petit Livre rouge, le tout estampillé d’une célèbre marque de parfum français. Que sont devenues les idoles? Gentiment subversive aussi, la relecture des oeuvres occidentales, comme La mort de Marat, de David, ou le fameux Urinoir de Marcel Duchamp. Mao-Marilyn, de Yu Youhan, c’est une bonne dose d’humour qui démystifie le passé socialiste grâce au détournement de l’une des plus célèbres sérigraphies de Warhol, portrait de Marilyn Monroe. L’artiste se paye la tête de Mao en la juxtaposant au visage hollywoodien (ici, les lèvres et les yeux de Mao sont ceux de Marilyn). Et puis, une peinture de Wang Xingwei, cherchez bien, montre les mines circonspectes d’Andy Warhol et Joseph Beuys… Une belle surprise !

© Corinne Bernard (Parution : Pilote Urbain, 2009)

Exposition visible à la Fondation Miro (Parc de Montjuic), jusqu’au 25 mai 2009. Fermé le lundi.

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