Le paradoxe Amélie Nothomb
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Ce qui saute aux yeux lorsqu’on croise Amélie Nothomb dans les couloirs de l’Institut français où elle est venue présenter Ni de Eva, ni de Adan (Ni d’Eve, ni d’Adam ), son dernier opus traduit en Espagne chez l’éditeur Anagrama, ce sont ses expressions contrastées. Une légèreté teintée d’angoisse et de gravité. Elle est comme ses personnages : une énigme, voire un paradoxe. Avec un livre à chaque rentrée littéraire et 65 manuscrits dans ses tiroirs, dont certains ne seront jamais publiés, elle est une boulimique de l’écriture : « J’ai écrit dans mon testament que la plupart de mes manuscrits ne seront visibles que 75 ans après ma mort… Mais qui se souviendra de moi à ce moment-là ? » Elle écrit avec une discipline à la japonaise, de quatre heures à huit heures, chaque matin, même en voyage : « C’est à ce moment que j’ai la force mentale d’écrire. Je bois d’abord mon demi-litre de thé trop fort, d’un seul coup. Le thé explose dans ma tête et je retrouve ma virginité mentale. J’ai commencé à écrire mon 66e livre ici, ce matin. » Peut-elle se passer de cette drogue ? « J’ai bien tenté de ne pas écrire, ça m’est arrivé un dimanche matin, j’avais choisi de ne rien faire, d’être comme tout le monde, de prendre un bon livre et de rester au lit. Eh bien je me suis sentie très mal. » Le vide sans l’écrit. Et si tout cela faisait partie du personnage Nothomb ? Si ce n’était que pure invention, comme une star se fabrique une image ? Que nous reste-t-il alors ? L’essentiel : une personne qui écrit l’étrangeté du monde, en particulier l’univers japonais et ses codes si curieux à nos yeux d’européens. On pourra, bien sûr, lui reprocher de ne pas être constante, pas assez exigeante envers ses histoires. Robert des noms propres ou Le Fait du prince (dernier ouvrage paru en France) n’atteignent pas le sublime de Hygiène de l’assassin, son premier opus, ou de Stupeur et tremblements. Et alors ? Il semble évident de perdre en qualité quand on produit autant. Ni d’Eve, ni d’Adam a été couronné du Prix de Flore, en 2007. Une oeuvre casi-autobiographique, peut-être même une autofiction à la manière de Modiano, une manière de brouiller les pistes de la vérité. Car quel écrivain se dénude totalement ?
Est-il plus difficile d’écrire sur soi ou d’écrire sur des héros fictifs ? « C’est difficile dans tous les cas. C’est tout aussi mystérieux d’écrire sur soi car on ne se connaît pas. Mais les personnages sont extrêmement bizarres dans les deux cas. » Bizarre, peut-être… Amélie Nothomb est sans doute née de l’imagination d’un écrivain facétieux.