Moonage Daydream Affiche
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Moonage Daydream

Moonage Daydream est un kaléidoscope de plus de deux heures qui filent comme les étoiles. D’une grâce formelle époustouflante, Bowie y apparaît comme l’outsider qu’il était. Toujours hors cadre, toujours en avance sur tout et sur tous. Un visionnaire. Le film donne à voir, à travers des images d’archives parfois inédites, l’aura et l’étendue des différents talents du Thin White Duke. De la musique en passant par le cinéma, le théâtre, l’écriture ou encore la peinture où il excellait prenant pour modèles Francis Bacon ou Edvard Munch. Le musicien n’avait aucune limite dans sa recherche créative. L’art élevé au rang de paradigme formel, glaner chez les autres pour recréer à sa manière. Pas de plagiat, mais une réinvention constante. Bowie a toujours revendiqué ce goût pour le travail des autres, ses inspirations. Et puis, la dimension d’aura envoûtante, proche des grands maîtres, est le fil d’Ariane tenu par le réalisateur Brett Morgen.

L’immortalité stellaire

« Je reste avec vous », peut-on lire sur le tombeau de Jean Cocteau, et c’est exactement cela, le film de Morgen. Un plaidoyer pour la vie et la possibilité de l’infinitude grâce à l’art. À travers la route fabuleuse d’un artiste nommé David Bowie, mais qui d’abord se nomma David Robert Jones. L’histoire d’un petit gars de Bromley, banlieue populaire de Londres, qui voulut imaginer sa vie comme on imagine une histoire fantastique. Car la vie de David Robert Jones tient du fantastique. Comment il se détache d’une famille taiseuse où l’amour est inexprimé, voire absent, et démarre par une voie toute tracée dans la publicité via le dessin pour s’envoler vers la vie brillante du Londres des sixties. Londres, capitale de la pop et bientôt du phénomène Beatles. D’abord Mods puis glam, puis rock, puis artiste complet. Car Bowie fut un touche-à-tout de l’imaginaire justement à la manière d’un Jean Cocteau ou d’un Andy Warhol qu’il croisera d’ailleurs via l’ami Lou Reed et le Velvet Underground, au cours des exaltantes années 1970.

Performance

Le film de Brett Morgen n’est pas un énième documentaire musical entrecoupé de flagorneries d’un entourage plus ou moins intéressé, en forme de biopic linéaire comme nous avons l’habitude d’en voir. Il s’agit plutôt d’un objet d’art, une performance, un collage magnifique. Un feu follet filmique. Ici, nous sommes dans une véritable performance artistique qui utilise la couleur, la vitesse, la photographie. Un véritable stroboscope d’images d’archives qui n’est pas sans rappeler par sa forme Le Livre d’image, dernière œuvre flamboyante d’un autre immortel : Jean-Luc Godard. Moonage Daydream apparaît alors comme un livre d’images consacré à la créativité foisonnante d’un artiste pluridisciplinaire. Créativité, mais aussi recherche intellectuelle constante de connaissances sur les grands thèmes philosophiques. La vie, la mort, l’histoire des magies et des religions dont le musicien, addict à la lecture, était friand. Where Are We Now ? restera la question définitive posée par l’un des plus grands artistes de tous les temps. Un touche-à-tout flirtant avec les mystiques, comme l’avait fait Jean Cocteau en son temps. Il est fort à parier que l’Homme qui venait d’ailleurs continue son œuvre, somewhere… Soit l’immortalité d’un faiseur d’étoiles. Bowie était, est et sera toujours semble nous raconter Moonage Daydream.

© Corinne Bernard, octobre 2022.

 

 

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