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Oriol Maspons : “Picasso était méchant et radin”



 
 

Les photos d’Oriol Maspons sont un mélange d’humour, de glamour et d’histoire. De l’Espagne rurale à Dali en passant par les sublimes Lolitas, le photographe catalan nous offre un paysage bigarré à voir à la galerie Kowasa. Rencontre.


À 80 ans, Oriol Maspons ne travaille plus. « Toutes mes photos étaient des commandes pour des architectes, des éditeurs ou des magazines, je n’aime pas travailler autrement que sur commande. Et aujourd’hui il n’y a plus de commandes pour illustrer des couvertures de livres. », raconte le photographe. Le résultat, c’est une collection impressionnante d’images qui ont illustré toutes sortes d’ouvrages et revues. Il a côtoyé les plus belles filles des années 60 à 70 : «J’ai fait de la photo pour draguer. Mais n’ayant pas un physique avantageux, je pourrais être dans le Guinness des records pour avoir été le garçon qui a compté autant d’échecs amoureux qu’il a connu de filles sublimes. » Oriol Maspons s’est aussi lancé dans la photo parce qu’il aimait celles des autres. Celles de Cartier-Bresson, Brassaï, Doisneau. Ils étaient ses modèles : « Je ne comprends pas les jeunes qui étudient la photo aujourd’hui sans même avoir de modèles… Je pense pourtant que c’est très important. J’admirais le travail de gens comme William Klein ou Avedon et je voulais faire comme eux.» En 1955, il s’installe à Paris pendant un an : « Je travaillais dans les assurances. À Paris, je me suis rendu compte qu’on pouvait faire de la photo. Il y avait des clubs, j’y ai rencontré tous ces photographes que j’admirais tant et à mon retour à Barcelone, j’ai pris un associé, Julio Ubiña, avec qui j’ai monté un studio. » Le studio Maspons+Ubiña réalise des commandes pour la publicité et l’édition. Il fréquente et photographie des célébrités telles que Dali, croise Audrey Hepburn et Marcel Duchamp (Marcel Duchamp and wife, 1960). L’artiste est très loquace, il évoque ses soirées en compagnie de Dali, critique Picasso : « Il était méchant et radin. Dali , lui, avait de la conversation, on ne s’ennuyait jamais en sa compagnie, il était très cultivé. Brigitte Bardot avait un beau visage mais n’était pas très futée », se souvient-il.
Drôle de bourgeois
S’il est né de la bourgeoisie catalane, Oriol Maspons est un anticonformiste et n’oublie pas l’Espagne rurale et désargentée, la populaire. Il réalise des séries telles que Las Hurdes (1960) ou La Mancha (1961) qui racontent la campagne et ses personnes qui vivent de peu, la dictature et son lot d’épreuves : « J’étais très influencé par le néoréalisme italien et puis je n’avais pas peur d’être avec les pauvres. » Il va même jusqu’à participer à la Gauche Divine, le mouvement barcelonais qui regroupe intellectuels et artistes bourgeois aux idées de gauche. Il se pose alors en photographe de la contreculture : «Oui, je regrette la Gauche Divine, il n’y a plus rien dans ce goût-là à Barcelone.» Il s’intéresse aussi au flamenco et photographie La Chunga. Avec Ubiña, ils envoient chaque année des cartes de Noël à leurs amis, des photos où ils se mettent en scène de manière burlesque, sans peur du ridicule. Comme un pied-de-nez aux institutions (série des Christmas, datant des années 60). Il y a aussi les hippies d’Ibiza ou d’Eivissa, une communauté à laquelle il semble attaché. Des photos souvent empreintes d’humour (Fiesta en Eivissa, 1978). Malgré quelques regrets Oriol Maspons n’est pas un de ces octogénaires aigris ou nostalgiques : «Le vin et les filles se sont améliorés aujourd’hui en Espagne ! » Tout est dit.

© Corinne Bernard (parution dans Pilote Urbain, janvier 2009).