Mapasonidos

Tokyo vibes

 

Avec Mapa de los sonidos de Tokio, en compétition cette année à Cannes, la cinéaste catalane Isabel Coixet offre une promenade sentimentale heurtée par la mort. Le film sorti ces jours-ci, invite à un Tokyo nocturne, l’un des personnages principaux.

On connaît le goût de la cinéaste pour les relations amoureuses avortées. Des éléments extérieurs brisent l’harmonie (la maladie, la mort, la peur…). Ici, c’est le suicide qui vient détruire. La vida secreta de la palabras (La vie secrète des mots) ou La vida sin mi (La vie sans moi) illustraient déjà cet engouement pour les sentiments voués à la destruction, voire à l’autodestruction. Ici, faire l’amour avec une inconnue apparaît d’abord comme un acte salvateur face au désarroi et au sentiment de culpabilité (toujours chez Coixet, celle d’une mort accidentelle ou celle de ne pas avoir vécu…). Comme une accalmie après la tempête (le suicide de la jeune femme qu’aimait David, personnage central de l’histoire). Il est clair qu’il se sent coupable de sa mort (la jeune femme s’est taillé les veines et a écrit sur le miroir de la salle de bains : « Pourquoi tu ne m’as pas aimée comme je t’ai aimé? ». L'”épigraphe” est équivoque : s’adresse-t-elle vraiment à l’amant, ne pourrait-elle pas plutôt s’adresser au père?… un riche homme d’affaires interlope. Sergi Lopez/David noie son sentiment de culpabilité par la recherche des sensations ressenties avec celle qu’il a perdue. Il entraîne la nouvelle, sublime, froide, muette, dans les endroits où il faisait l’amour avec l’ancienne (de nombreux scènes dans un love-motel, nommé La Bastille). Il n’y a pas d’amour entre eux, sinon physique. Elle, mène une double vie, les deux sont solitaires et noctambules. Lui, est un espagnol en terre étrangère, un barcelonais pas toujours à l’aise avec les coutumes nippones (la délicieuse scène des ramen ou David mange à l’européenne).

Par un hasard qui n’en est pas un, elle s’appelle Ryû (sublime interprétation de Rinko Kikichi)… Isabel Coixet est une amoureuse de lectures japonaises : Haruki Murakami et sans doute Murakami Ryû, n’ont que peu de secrets pour elle. Mapa de los sonidos de Tokio, est un hommage à leurs oeuvres, et l’on trouve un peu des deux auteurs dans le film. Peut-être plus de Ryû que de Murakami d’ailleurs, par la violence des échanges. Les seuls sentiments doux, véritablement, sont ceux entre l’héroïne et son unique et énigmatique ami. C’est lui qui donne le titre au film. Il enregistre les sons, les capte dans la ville, dans les échanges urbains, des traces sonores qu’il vend aux médias. Ce personnage est le le plus beau du film. Il voue à la belle silencieuse, une amitié sans bornes bien plus proche de l’amour que du simple bavardage. Tout le film déploie la dualité violence/amour et l’importance des silences. David tente d’aimer, en vain. Troublé par le souvenir de celle qu’il vient de perdre, suicidée pour « détruire son père », comme lui souffle à l’oreille le collègue de David. L’homme d’affaires ne peut vivre avec la mort de sa fille. Des personnages forts comme dans les tragédies, mais qui pêchent par leur manque de profondeur. L’associé de David lui rappelle d’ailleurs à quel point, nous, Européens, nourrissons encore des clichés au sujet de l’étrangeté nippone « cette réserve japonaise ». C’est ce qu’on pourra reprocher à la cinéaste. Par tant de réserve, son film nous laisse simples spectateurs alors que nous aurions aimé entrer dans Tokyo, écouter sa musique.

 

© Corinne Bernard, septembre 2009. (Parution : vivreabarcelone.com)

 

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