Transformations de la Chine
Photo: © “Nouvel an” Xstream Productions, Ltd. CCCB/Cité de l’Architecture et du Patrimoine.
Photo : © Changqin, autoroute, Li Lang, 2004.
Photo : © Pékin, José Antonio Soria, 2004.
Photo : © Comité municipal de compilation des annales locales de Suzhou, 1930.
Les vieux quartiers des gigantesques Pékin et Shanghaï sont rasés pour faire place à l’urbanité verticale. Les buildings poussent comme l’herbe folle. Il faut bien loger les habitants du pays le plus peuplé au monde… Et puis, il y a le prestige de ces villes radieuses, il y a eu les J.O de 2008. Il fallait cacher la misère des vieux quartiers pour ériger la nouveauté, la modernité, la propreté et la netteté géométriques de l’architecture d’aujourd’hui. Le monde entier a les yeux rivés sur la Chine, la grande rivale. Celle qui prospère de jour en jour. Celle qui a grandi à une vitesse record. Une Chine puissante qui fait couler beaucoup d’encre en raison de ses failles politiques (le Tibet, le musellement de la presse…). La Chine, comme le Japon, a cette particularité de juxtaposer passé et actualité et d’émouvoir par ses contrastes originaux. L’exposition, déployée sur une dizaine d’espaces consacrés à cinq grandes villes (Suzhou, Xi’An, Chongquing, Canton, Shanghaï), et différents thèmes (le jardin, l’écriture, la terre, l’eau, le fengshui, la famille…) montre bien cette ambivalence. On y découvre des objets, photos, archives et courts-métrages qui rendent compte de l’évolution du pays. Dans la première salle, la reproduction des six stèles de Suzhou (province de Jiangsu), sont d’une importance historique, ils représentent la naissance et l’évolution des villes. On y voit le plan de Pingjiang, gravé en 1229, mais aussi une carte de la Chine gravée en 1247 ou encore une vue du ciel datant de la même année. Dans le deuxième espace, consacré aux jardins, une vidéo montre une jeune femme jouant de la cithare dans un jardin traditionnel. L’espace consacré à l’écriture propose, entre autres, un petit cours de calligraphie grâce à une vidéo très ludique. Le premier espace consacré à une ville chinoise concerne Suzhou, cité impériale, celle qu’on appelle « la Venise de l’Orient » car elle est entourée d’eau. A voir, le sublime court-métrage « Cry a river » du cinéaste Jia Zhangke, Lion d’Or au Festival de Venise 2006 pour le film « Still life ». Cinq courts-métrages de jeunes réalisateurs chinois jalonnent l’expo. Chacun d’eux raconte une histoire se déroulant dans l’une des cinq villes mises en relief.
Construction et destruction
Xi’An, ancienne capitale, est célèbre aujourd’hui pour ses 8 000 soldats de terre cuite. En moins de dix ans, cette ville a été totalement transformée, seul le quartier musulman subsiste et quelques monuments tels que la Tour de la Cloche ou le jardin des stèles. L’espace consacré au fengshui rend compte de son importance pour les artisans. Depuis les temps anciens, les maisons sont construites selon les règles du fengshui. On peut voir différents objets utilisés par les artisans, ainsi, la règle de Luban, instrument de mesure indispensable si l’on veut respecter la tradition du fengshui. L’espace consacré à la famille aborde, l’évolution de la cellule familiale et de son foyer. Différents artistes contemporains ont photographié des familles dans leurs habitations d’aujourd’hui et d’hier. Des lieux de vie en passe d’être détruits (comme ces portraits touchants d’une communauté dont on va raser l’immeuble). Shanghaï se prépare pour l’Exposition Universelle de 2010. Quelques photos montrent le début des travaux sur le site où elle se déroulera. Encore un rendez-vous majeur pour l’essor et la notoriété de la Chine, après les J.O. Cette mégapole ne cesse d’évoluer, il paraît qu’il suffirait de s’installer à une fenêtre d’un immeuble pendant un mois à peine, pour distinguer pleinement les changements de la ville. Des buildings à perte de vue, Shanghaï est la ville verticale par excellence. Symbole de l’élégance et du raffinement dans les années 30, avec ses femmes vêtues de sublimes Qipao (la robe traditionnelle), Shanghaï continue de surprendre et d’étourdir par sa démesure. L’exposition pose une question primordiale : la Chine, dans son désir de modernité, évolue à toute vitesse, se débarrassant de ses vieilles frusques. Pour construire, elle détruit les anciens édifices, rase des quartiers entiers… Bientôt, il ne restera aucune empreinte des villes passées… Les Chinois devront-ils alors s’en féliciter ou, au contraire, pleurer la perte d’un patrimoine architectural ?
© Corinne Bernard (parution sur Internet : www.piloteurbain.com)
Exposition visible au CCCB jusqu’au 22 février 2009. Du mardi au dimanche, de 11h à 20h. Le jeudi, de 11h à 22h. Fermé le lundi. Gratuit les jeudis de 20h à 22h.