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Deuxième vie pour la Fondation Tàpies








La Fondation Tàpies vient de rouvrir ses portes après deux ans de travaux de rénovation. Le résultat est surprenant. Située en plein centre de Barcelone, elle est comme une oasis apaisante au milieu du tumulte et du bruit de la ville. On s’immerge parmi les oeuvres et la fantastique bibliothèque de style 1900. Boiseries et métal. Tout l’édifice mêle habilement le style industriel avec le contemporain. Les travaux ont permis de mettre en avant le style d’origine du bâtiment de l’architecte de l’Ecole moderniste Lluis Doménech i Montaner. La salle du bas est une enfilade de colonnes en fer. Et puis, on traverse des couloirs blancs, réhaussés de fenêtres aux vitraux à dominante rouge. Pour démarrer sa seconde vie, la Fondation propose une expo intitulée Los lugares del arte (Les lieux de l’art). Les oeuvres de l’artiste catalan, peintures et sculptures, représentent ses travaux les plus récents (des années 90 à 2009) mais aussi des dessins à l’encre de  Chine de la fin des années 40. Des oeuvres de jeunesse rappelant les dessins de l’enfance à la manière de certains Surréalistes dont Tàpies a toujours admiré les oeuvres. Tàpies, on l’aime ou pas,  il n’est pas simple à aborder, on pourrait même se risquer à dire qu’il vaut mieux être averti. Il n’a pas choisi de mener son oeuvre vers des chemins de beauté ou d’embellie… Trop faciles. L’art est-il là pour nous montrer la beauté ou pour nous secouer, bousculer nos idées établies, favoriser la réflexion? Il faudrait plutôt chercher du côté de la déconstruction des formes et des mythes. Fortement inspiré par les surréalistes tels Max Ernst mais aussi par l’art brut ou le cubisme (Fernand Léger, notamment), le Catalan penche du côté de l’anticonformisme avoué. Briser les formes convenues. Ses couleurs sales, griffonnages, coulures, ratures, ses flèches et ses croix, ses symboles (lettres et chiffres) dispersés dans ce qui semble du domaine du hasard, ça et là sur la toile… en réalité, un jeu savamment construit pour titiller l’oeil et l’esprit.
Une oeuvre à la fois violente et tourmentée, comme aiment à le souligner certains critiques d’art, et fortement influencée aussi par sa passion pour les mystiques comme Ramon Llul (savant, sage et mystique catalan du XIIe siècle). Toute l’oeuvre de Tàpies est traversée de symboles, de représentations de la naissance (ses oeuvres « enfantines » à l’encre de Chine) et de la mort, avec des toiles récentes telles que Formes dans l’espace, 2009. Une toile qui pourrait être celle de la décomposition avec ses coulures et ses croix noires. Mais la toile récente la plus représentative de la mort est  Tête rouge (2008), inquiétante tête de mort rouge sang raturée de noir. L’exposition propose aussi une incursion dans l’univers esthétique personnel d’Antoni Tàpies, à travers quelques pièces de sa collection d’oeuvres d’art et de beaux livres. Une sélection de ce qu’il nomme son « manifeste » ou son « musée ». De l’art égyptien et occidental (notamment, une superbe toile de Francisco de Zurbaran, Fraile mercedario en prision, XVIIe siècle ou, dans un autre registre, le poème Liberté, de Paul Eluard, illustré par le cubiste Fernand Léger). Et puis, des objets rituels, des livres scientifiques (la thèse de sciences physiques de Louis Broglie, de 1924, ou Substances radioactives, de Marie Curie, 1904) des livres de philosophie (L’Evolution créatrice, Bergson, 1907), des écrits sur l’art (La femme 100 têtes, de Max Ernst, préfacé par André Breton, 1929) et même de vieux livres d’astronomie. Pour le cinéma, autre passion de l’artiste, on peut voir des films de Georges Meliès, le magicien du « cinématographe » (une sélection parmi lesquels  Le Voyage dans la lune, 1902, et Le Royaume des fées, 1903). La Fondation a ouvert ses portes pour la première fois en 1990 et déjà le lieu était chargé d’une atmosphère particulière qui donnait envie de s’y attarder pendant de longues heures. Aujourd’hui, plus lumineuse que jamais, s’y promener est une manière de se ressourcer. S’imprégner du génie d’un artiste qui rompt depuis plus de cinquante ans avec tout académisme. L’héritage Cubiste et Surréaliste.



© Corinne Bernard, mars 2010. Parution : vivreabarcelone.com

Crédits photographiques : © Corinne Bernard (photos 1 et 2)  4 : Francisco de Zurbaran, Fraile mercedario en prision, siglo XVII. Huile sur toile. 3 et 5 : Antoni Tàpies.

Fondation Antoni Tàpiesrue Arago, 255 (M° Paseo de Gracia), Barcelone.  Ouvert du mardi au dimanche, de 10h à 20h. Bibliothèque ouverte du mardi au vendredi, de 11h à 20h (sur rendez-vous). Exposition “Los lugares del arte”, visible jusqu’au 2 mai 2010.

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