Her, ou l’amour machine
Un homme sensible en procédure de divorce avec celle qu’il aime toujours. Théodore (Joaquin Phoenix) déambule comme une âme en peine, semble survivre. Flotter à contre-courant de la vie. Nous sommes dans un futur proche, tout est très aseptisé et l’humanité semble plus que jamais être le jouet de la technologie. Théodore s’ennuie un peu dans son travail d’écrivain public, écrire des lettres d’un autre siècle pour ceux qui ont oublié depuis longtemps les mots du cœur. En pleine crise sentimentale, les quelques repères qui lui restent, des jeux vidéos (superbes hologrammes) et une amie chère (Amy Adams), volent en éclat lorsqu’il se procure un logiciel de service pas comme les autres. Elle s’appelle Samantha parce qu’il faut bien lui donner un nom à cette technologie à la voix sensuelle (celle de la délicieuse Scarlett Johansson). Elle, cet “être” qui n’existe pas. Qui n’est qu’une voix. Une voix douce à laquelle il va s’attacher parce qu’elle est aussi une belle âme, une âme-sœur rêvée s’accordant parfaitement à celle de Théodore.
Samantha lui parle, l’écoute, l’aide même à s’endormir la nuit venue. Petit à petit, il retrouve le goût de vivre. Ils s’entendent à merveille et l’emmène partout avec lui, ses promenades, son travail… Elle lui sussure qu’elle veut voir le monde alors il la glisse dans sa poche via la caméra de son mobile. Lui offrir des paysages de montagnes, des plages… Un amour virtuel s’installe peu à peu. Elle l’aime aussi, du moins ce sont ses mots.
Futur proche
Peut-on être amoureux d’une voix ? Sans pouvoir découvrir les secrets de la peau de la personne aimée ? Peut-on partager des sentiments avec une machine ? Ou alors… Samantha serait pourvue d’une âme ? Est-ce que Théodore nage en plein délire ? Ses airs un peu fous, à côté de la plaque, à côté des autres.
Spike Jonze nous montre une société déshumanisée où le héros semble vouloir échapper à la réalité tangible pour atteindre à une sorte de plénitude totalement hors du temps et de l’espace. Comment vivre heureux dans un univers où la machine fait partie du quotidien au point d’oublier que ces objets du désir ne sont qu’un bric-à-brac technologique ? Un labyrinthe de câbles et de fils électriques. Faut-il s’inventer de nouvelles façons d’aimer parce que nous ne sommes plus capables de communiquer les yeux dans les yeux ?
Le film raconte le futur et l’incommunicabilité entre les êtres. Un futur qui ressemble sans détours à notre présent, à toute cette vie virtuelle qui est la nôtre via les réseaux et autres services du sentiment en ligne. Un univers virtuel avec des rencontres qui n’en sont pas, avec des images irréelles, des reflets de personnes. L’image domine. Et certains s’attachent à leurs iPhone, tablettes et autres gadgets. Ces objets empêchant de regarder les autres, de leur parler de vive voix. Sans nous donner de leçon, ce n’est pas le genre du réalisateur loin du domaine hollywoodien, Her remet en question notre façon d’appréhender notre rapport aux autres. Et quand Théodore retrouve sa meilleure amie qui vient de se faire larguer par son homme, de chair et de sang, les deux se retrouvent délaissés, par l’amour seul. Au-delà du lien virtuel entre Samantha et Théodore, une histoire d’amour qui cadre bien avec notre époque.
© Corinne Bernard, février 2014. (parution : vivreabarcelone.com)
Her, un film de Spike Jonze, avec Joaquin Phoenix, Scarlett Johansson (pour la voix du logiciel en v.o), Amy Adams… À l’affiche en Espagne, vendredi 21 février 2014.