Cosmopolis Cartel
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Cosmopolis ou l’emprise du chaos

 
 
Cosmopolis promène le spectateur dans une limousine insonorisée qui n’a pas de fin pendant que le monde s’écroule dehors. Dans la somptueuse américaine, un jeune et célèbre trader qui a presque tout pour lui, traverse la ville pour aller chez son coiffeur. Un héros désabusé et paranoïaque. À trop penser que le Dollar régnait en maître du monde, il se fait chaparder tout son empire financier par une valeur en hausse, le Yuan… et v’lan ! la Chine en pleine figure. La paranoïa  de notre héros dans sa Limo, il est persuadé qu’on cherche à l’assassiner, est la parano de tout un pays aux prises avec ses tourments engendrés par une société qui se porte plutôt mal. C’est la crise, cela n’aura échappé à personne. Et tandis que nous ne quittons pas le trader calfeutré dans ce qui pourrait être aussi bien un Tank, on peut voir à travers les fenêtres, le chaos d’un monde qu’il ne connaît pas. Celui de la rue et des gens de peu, celui d’un capitalisme sur le déclin. Un monde en flammes. Altermondialistes, anarchistes (on notera l’apparition éclair et ubuesque de Mathieu Amalric en nihiliste fou furieux), indignés, apparaissent comme dans un second film. Heureuse mise en abyme. Outre le trublion Amalric, une autre apparition hexagonale est celle de la belle Juliette Binoche en marchande d’art hypersexuée, pour l’une des scènes de sexe d’un héros si exténué qu’il n’y trouve aucune extase. Il ne couche pas avec sa femme, blonde surnaturelle et vaporeuse qu’il rejoint dans un café (rare scène extérieure du film), lui préférant des aventures fulgurantes dans la longue voiture.
 

Le message de Don DeLillo sur un pays en dérive et un héros en dehors du réel aurait mérité mieux à l’écran. Cosmopolis déçoit. On s’y ennuie beaucoup. Il est une sorte de (trop) long lamento dans une Limousine porté par une logorrhée épuisante (parfois codifiée par un lancinant jargon boursier), balancée froidement par un acteur insignifiant, à savoir l’adulé des ados du monde entier : Robert Pattinson alias Bob. Il faut dire que porter à l’écran le chef-d’œuvre extravagant et sombre de Don DeLillo semblait risqué. D’autres grands romans ont essuyé des échecs au moment de leur adaptation au cinéma. Comme si c’était tout à fait impossible et complètement casse-gueule d’adapter des monuments. On pense notamment au classique Don Quichotte, dont les versions d’Orson Welles (en 1955), ou de Terry Gilliam (en 1992),  demeurent des opus inachevés.

Évidemment, nous sommes bien chez Cronenberg et l’image lisse aux contours bien définis, les consonances théâtrales sont bien présentes dans CosmopolisL’esthétique est plus que soignée comme il se doit chez le cinéaste canadien. Mais la question qu’on peut se poser est de savoir pourquoi Cronenberg a choisi un acteur au charisme aussi évident que celui d’un mollusque, pour incarner un personnage omniprésent sur chaque plan du film ? L’engouement cinéphilique pour Robert Pattinson demeure pour nous un véritable mystère. Passer une heure quarante dans un véhicule, aussi luxueux soit-il, en sa triste et fade compagnie relève de la gageure pour le spectateur que nous sommes. Tout de même, cette livraison du cinéaste laisse songeur… Et si Cronenberg avait délibérément choisi cet acteur pour signifier à quel point le monde et ses satellites (en l’occurrence l’industrie du cinéma) étaient sur le point de sombrer dans l’emprise du chaos ?…

© Corinne Bernard, octobre 2012. Parution : vivreabarcelone.com

Cosmopolis, de David Cronenberg, avec Robert Pattinson, Juliette Binoche, Sarah Gadon, Mathieu Amalric, Samantha Morton, Jay Baruchel… Sortie en salles en Espagne le 11 octobre 2012.

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