Fou d’Elvis (The Last Elvis)
de banlieue. Il chante avec une voix d’or mais n’a physiquement rien d’un Elvis. Il plonge à peu près chaque soir dans la peau du musicien. Endosser les costumes, broderies et strass, d’Elvis Presley. Être lui pour fuir sa réalité qui n’a vraiment rien de rock’n roll. Ses rares moments solitaires avec sa fille Lisa Marie (le prénom de la fille d’Elvis Presley) pour unique public, ne sont qu’une apostrophe, même pas une parenthèse. Carlos/Elvis n’est jamais dans la réalité, incapable de partager totalement avec ceux qu’il aime, toujours sur le
fil. Sur le point de traverser la frontière à chaque instant. Parfois on aperçoit des esquisses d’amour paternel, mais elle ne durent pas. Il parle à sa mère malade d’un grand projet, d’un rêve à accomplir et qui lui apportera la reconnaissance qu’il attend depuis toujours.”Tu seras fière de moi”, lui chuchote-t-il. Lui, le mal aimé, celui qui a manqué sa vie, le marginal un peu fou, fou d’Elvis.
Jusqu’au jour où son ex-femme et sa fille sont victimes d’un accident de voiture. Durant ce laps de temps entre le coma de la mère et la tristesse de sa fille, Elvis redevient presque un
véritable père. Mais il continue de manger des sandwichs à la banane et au beurre de cacahuètes. Et quand sa fille lui dit qu’elle n’aime pas cela, il lui rétorque : « Lisa Marie les adorait… », le dialogue est difficile. Lorsque son ex-femme sort enfin de l’hôpital, lui, quitte son travail, sans explications. Au passage, il met le feu une nuit à l’association des sosies d’artistes chargée de lui booker des dates de concert (laquelle “oubliait” souvent de lui payer ses shows). Il quitte tout. L’Argentine pour se rendre à Graceland, Memphis, Tennessee. Accomplir son grand projet. Celui qui lui donnera un semblant d’apparat et que nous ne dévoilerons pas ici…
Le film d’Armando Bo raconte comment un homme solitaire, baigné de mélancolie, persuadé qu’Elvis est son seul espoir de rêve, va jusqu’au bout de sa seule passion. Changer d’identité pour réinventer sa vie. Les gros plans sur l’acteur (incroyable John Mc Inerny, musicien et interprète d’Elvis dans la vraie vie), les travellings sur la vieille Cadillac en promenade, comme une alcôve protégeant le personnage de sa réalité, autant d’images qui contribuent à faire de ce film une très belle oeuvre. Le réalisateur a le talent de nous émouvoir au fil des jours d’une personne qui ne sait pas comment vivre sa vie. Et choisit de se vouer totalement aux chansons et à la personnalité d’une icône. L’acteur-musicien offre des scènes de concert à couper le souffle, très émouvantes. De quoi nous faire oublier pour un peu que Carlos Gutierrez n’est pas Elvis Presley.