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“Je suis le rêve, je suis l’inspiration”, Victor Brauner au musée d’Art moderne

 
 

Le musée d’Art moderne offre à voir une rétrospective de l’artiste roumain Victor Brauner. Le surréaliste qui fréquenta André Breton et Tanguy à son arrivée à Paris, s’est également inspiré des sciences occultes, l’ésotérisme, l’alchimie, la Kabbale pour construire une œuvre truffée de références.

Victor Brauner naît en 1903 en Roumanie, en 1921 il est expulsé de l’école des Beaux-Arts de Bucarest pour “non-conformisme”, il y sera resté à peine deux ans. Échapper aux académismes est son fort et en 1924 il crée la revue dada 75 HP avec son ami le poète Ilarie Voronca, puis sa première exposition personnelle à la galerie du Syndicat des beaux-arts de Bucarest. À son arrivée à Paris, Brauner rencontre le groupe surréaliste mené par André Breton, il fréquentera aussi d’autres artistes de l’époque tels que René Char ou Yves Tanguy. En 1938, il perd un œil lors d’une bagarre entre les peintres Oscar Dominguez et Esteban Francés, un accident qui ressemble à l’accomplissement d’une prophétie, lui qui avait peint son Autoportrait énucléé en 1931. Il quitte Paris en 40 pour rejoindre le sud (libre) du pays. Amoindri, il poursuit malgré tout son œuvre qui tend alors de plus en plus vers les magies et les sciences occultes. En 1945, il retourne à Paris où il s’installe rue Perrel, dans l’ancien atelier du Douanier Rousseau. À ce moment-là, il peint sa série des Conglomeros, curieux personnages hybrides et androgynes aux bras et jambes multiples qui s’enlacent, s’embrassent, font leur toilette…

Héron d'Alexandrie, 1939.

Dès 1939, ses recherches picturales mènent l’artiste vers l’alchimie et la kabbale, une possibilité pour lui, également chère aux surréalistes, de continuer sa route hors des sentiers balisés des institutions. L’alchimie est contraires aux idées de l’Église et de la science, elle est libre de tout carcan institutionnel et permet à Victor Brauner de peindre des toiles à l’esprit hermétique. Celui qui observe des peintures telles que Héron d’Alexandrie, voit des énigmes à élucider. Ici, il s’agit d’un hommage au mathématicien grec, ingénieur et mécanicien qui inventa, entre autres, une clepsydre pour mesurer le temps et la première machine à vapeur.

Brauner cultive aussi une fascination pour les chiffres. Ils ont une signification objective. Par exemple, lorsqu’il s’installe dans l’ancien atelier du Douanier Rousseau il établit la coïncidence entre les treize lettres de son nom et les treize lettres de celui d’Henri Rousseau. Cette fascination est un écho à la pensée du poète romantique Novalis qui lui même s’intéressait à la symbolique des nombres. Brauner lui rendra d’ailleurs hommage avec son énigmatique Portrait de Novalis (1943), sorte de tableau-objet talismanique faisant référence à la Kabbale et à la pensée du théosophe Jacob Böhme.

Tout au long de sa vie, Victor Brauner s’intéressera à toutes les formes de sciences occultes et à la magie au sens noble du terme… des moyens pour lui de conjurer le mauvais sort : la perte d’un œil, la guerre… Un artiste dont les toiles sont en forme d’énigmes, une source d’invention intarissable, une imagination sans bornes pour une œuvre foisonnante qui évoluera sans cesse. L’exposition présentée au MAM est très dense et mérite qu’on s’y attarde pour tenter d’élucider quelques secrets d’un grand peintre…

© Corinne Bernard, octobre 2020.

Victor Brauner, Je suis le rêve, je suis l’inspiration. Exposition visible au musée d’Art moderne, Paris, jusqu’au 10 janvier 2021. https://www.mam.paris.fr/fr/expositions/exposition-victor-brauner

 
 
 
 

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