Le théâtre de Samuel Benchetrit à Barcelone, avec Moins 2
« Je casse le drame »
Samuel Benchetrit se lance dans un projet littéraire de longue haleine en choisissant de raconter son histoire en cinq opus, de son enfance à aujourd’hui. Chroniques de l’Asphalte 1/5 est le premier. Le cinéaste et écrivain y décrit l’univers d’une enfance en banlieue parisienne. Avec Récit d’un branleur, son premier roman (paru en 2000 chez Julliard), il donnait déjà le ton avec l’histoire d’un anti-héros dans une société en déclin. On l’annonçait alors comme le Sex Pistols de la littérature (excusez du peu). Chroniques de l’Asphalte 1/5 raconte sans tristesse une tour de douze étages plantée au milieu des années 80. Le lecteur monte du premier au dernier palier pour croiser Dédé, Karim et d’autres habitants qui ont fait la jeunesse de l’auteur. Bien sûr, il y a le chômage et les drogues, il y a des familles désargentées et terribles, mais il y a aussi l’humanité. Et c’est là que Samuel Benchetrit pose son regard d’écrivain : à la fois observateur et acteur d’un passé qui l’a construit.
Ce n’est pas un peu tôt, trente ans, pour écrire une autobiographie?
Oui, c’est jeune, sauf si je meurs demain… « A moins que je ne meure demain, ce qui se peut sort bien », c’est Apollinaire qui a écrit ça dans les Poèmes à Lou. Mais tout est faux, seuls les décors et les gens sont vrais. Les histoires sont fausses. C’est une fausse autobiographie. Parfois je suis parti de la réalité pour aller vers le mensonge.
Tous les gens de la tour sont comme une famille ?
Oui, ce sont des gens très proches qui vivent ensemble et qui s’entendent avec des origines et des cellules familiales différentes. Je les aimais tous très différemment aussi. Dédé, Riton, Daniel… étaient des copains. Ils sont tous morts. La drogue… Moi, j’ai eu la chance d’avoir des parents très doux, je trouvais de la douceur en rentrant chez moi. C’était doux chez moi et violent dehors.
Malgré la douleur, ces chroniques gardent toujours un ton léger…
Ce n’est pas mon tempérament d’être grave. Je n’arrive pas à rester dans le drame, j’ai besoin de casser le drame en l’allégeant.
Nous sommes dans les années 80… Ce serait la même histoire aujourd’hui ?
Non, bien sûr que non. C’était il y a plus de vingt ans. Même s’il y avait déjà le problème de l’emploi. C’était évident que ça allait exploser, c’est normal que ça explose.
© Propos recueillis par Corinne Bernard (nov. 2005)
“Dos menos”, de Samuel Benchetrit (avec José Sacristan), teatro Poliorama, rambla dels Estudis 115, Barcelone, du 2 au 20 septembre 2009. http://www.teatrepoliorama.com