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Middlesex

 
 
Difficile de quitter les 679 pages de cette incroyable fresque que représente Middlesex, roman de Jeffrey Eugenides. Une fresque qui déroule la grande et petite histoire. Un pan de la vie américaine des années 20 aux années 70 et l’histoire d’une famille vue à travers les yeux de Cal ou Calliope. Car c’est aussi la voix d’un hermaphrodite d’abord fille, puis garçon. Calliope d’abord, raconte l’arrivée de ses grands parents en Amérique alors qu’ils fuient la Grèce envahie par les Turcs. Nous sommes dans les années 20. Desdemona et son frère débarquent chez l’Oncle Sam. Ils s’aiment et tant pis pour l’inceste. Ils se marient. Desdemona aura toujours peur d’une malédiction due à la consanguinité. Pourtant, ses enfants seront normaux, on sautera une génération jusqu’à l’arrivée du monstre. Monstre aux yeux des autres. Car Calliope, lorsqu’elle se rendra compte de sa différence – un pénis extravagant chez une petite fille, des seins qui ne poussent pas, des règles qui ne viendront jamais– cachera cette anomalie à ses parents et au reste du monde jusqu’à son adolescence, jusqu’au jour où elle décidera d’être Cal, un garçon. Middlesex s’intéresse aussi à la vie de ces immigrés débarqués aux Etats-Unis à la recherche du rêve américain. Cal nous raconte les émeutes raciales à Detroit, la prohibition… La fin du roman est plus intime et s’intéresse aux angoisses d’une personne hors normes. L’amour de Calliope pour une fille, sa première expérience sexuelle avec un garçon… Et puis, viendra le douloureux moment de la révélation. Après un accident, Calliope est à l’hôpital, là, un médecin découvrira le monstre. Un roman somptueux. La perle rare de cette rentrée littéraire à lire absolument, Jeffrey Eugenides est un véritable conteur.
 
 © Corinne Bernard
 
L’extrait : « J’ouvris les yeux. Et dans le miroir je ne me vis pas. Ce n’était plus la Mona Lisa au sourire énigmatique. Plus la fille timide avec ses cheveux ébouriffés dans le visage. Maintenant que le rideau de ma chevelure avait été tiré, les récents changements de ma physionomie devenaient beaucoup plus évidents. Ma mâchoire était plus carrée et plus large, mon cou plus épais, avec la pomme d’Adam saillant au milieu. C’était incontestablement un visage masculin, mais derrière cette façade les sentiments étaient encore ceux d’une fille. Se couper les cheveux après une rupture était une réaction féminine. »

Middlesex, Jeffrey Eugenides, éd. de L’Olivier, 679 p. (2003)

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