Extasy

Amours braques

 
 
Murakami Ryû trouve une idée excentrique à chaque page. Et plus il malmène le lecteur, plus celui-ci veut suivre le parcours des personnages, aussi sombres soient-ils. Et c’est là que réside le génie de l’auteur des Bébés de la consigne automatique. Un génie plus ostensible encore dans son dernier opus Ecstasy qui semble être une mise en abyme du rapport lecteur/écrivain.
Entre New York et Tokyo, Miyashita, un jeune assistant réalisateur, va se laisser enliser dans le jeu pervers d’un trio malsain qui fonctionne sous les effets baroques
de l’ecstasy, de la cocaïne et autres hallucinogènes. Ils ingurgitent ces substances dans le but de décupler leur libido en brisant toutes formes d’inhibitions. Maîtresse sadique, maître dominateur, SDF millionnaire et amantes soumises… Des rendez-vous chics dans des palaces new-yorkais, du champagne qui coule à flot et… S’amuser à dominer les victimes, jeunes lolitas de bonne famille que l’on démolit pour la jouissance. Miyashita goûte l’ecstasy pour la première fois et accède à des horizons qui lui étaient inconnus, il devient le jouet de Keiko, créature improbable, tout droit sortie d’un film de David Lynch. L’ombre de Sacher-Masoch plane comme un fantôme pendant que la chair se tort, se liquéfie. Parfois même, le sang jaillit. Et Murakami Ryû contrôle le lecteur par son style et ses images sans concessions. Car l’auteur, comme à son habitude, ne cherche pas à nous ménager. Le chef de file de la nouvelle littérature japonaise nous prend par la main pour nous mener dans son univers braque où déviances et chemins escarpés, déglingues et excentricités hallucinantes sont au rendez-vous d’un roman qui laisse un goût étrange tant il nous renvoie les images de nos doubles démoniaques.
 
© Corinne Bernard
 
L’extrait :
” L’existence du masochiste est tranquille. Il lui suffit de vivre comme un esclave, comme un nourrisson, de renoncer à tout, les vêtements pour se couvrir, son nom, l’intelligence des choses, sa liberté de mouvements. L’homme était couché en position fœtale dans un coin du canapé style Victoria, dans la suite Ambassador de l’hôtel Plaza. Les premiers rayons du soleil commençaient à poindre. Il était dans un état de tension folle. Il avait largement dépassé la dose limite, un état que seules les personnes qui en ont fait l’expérience peuvent comprendre. Un état qui surpasse en tout le blues de la descente après une prise de LSD.”

Ecstasy, Murakami Ryû, éd. Philippe Picquier, 304 p., 18,50 euros.

Paru en Poche,

Monstre humain

Kenji gagne sa vie en guidant les touristes à travers les bars louches des quartiers chauds de Tokyo. Il rencontre Frank, un américain peu ordinaire, qu’il devra conduire dans les lieux les plus glauques de la ville. Kenji va passer trois nuits en compagnie d’un psychopathe sans limites. Avec Miso soup, Murakami Ryû écrit l’indicible et s’arrange pour que le lecteur soit ému par Frank, homme effroyable, pauvre hère, produit conforme d’un monde en putréfaction. A noter, le roman paru en 1997 comporte une scène de carnage à faire pâlir Bret Easton Ellis et James Ellroy…
 

Miso soup, Murakami Ryû, éd. Picquier Poche, 287 p., 7 euros.

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