Jarmusch.jpg

Only Lovers Left Alive… In the mood for vampires



In the mood for… car il s’agit bien d’un film d’atmosphère. Pousser la porte, entrer dans l’atmosphère des vampires, c’est ce que nous propose Jim Jarmusch avec Only Lovers Left Alive. Une incursion sublime dans l’univers envoûtant d’un couple de vampires. Un couple interprété par un duo androgyne magnifique, soit la combinaison, la complémentarité parfaite jouée par Tilda Swinton et Tom Hiddleston. Et nous voilà emportés entre Detroit, ville fantomatique d’une Amérique désolée, et Tanger, Maroc féerique des fumées et du breuvage qui redonne vie aux amants éternels (car c’est là qu’ils cherchent le sang frais qui les fait vivre).  Ces vampires se nomment Adam et Eve… ils sont le début, ils sont l’interdit. L’amour mythique qui traverse les siècles auréolé d’atours magnifiques, de littérature, de voyages et d’histoire(s). Ils ont fréquenté Lord Byron et d’autres fameux des siècles passés. Et le sang frais est bu comme une liqueur voluptueuse, extatique, dans de petits verres rouges gravés d’or. Adam, musicien, voue un culte sans bornes, et forcément sans âge, aux belles guitares. Elle, lit les livres anciens ou contemporains par simple glissement des doigts sur les pages, et dans toutes les langues. Eve vit à Tanger où elle veille sur son ami le dealer magnifique. Vieux sage plumitif (John Hurt) et ancien Ghost Writer de Shakespeare, dont le mausolée aux auteurs, installé dans sa chambre (des portraits d’écrivains de tous les temps tels des totems flamboyants), signifie à quel point les vampires sont des intellectuels nostalgiques.

Renaissance

Adam rejoint Eve dans les ruelles blanches de Tanger à la recherche du sang des autres, celui qui leur garantit l’éternité. Ils devront se cacher aussi en raison de la petite soeur d’Eve, vampire “iconoclaste” qui n’a pas les manières aristocratiques de sa soeur. Entre alcôves de velours et amour sans fin, Jim Jarmusch déploie son art dans un univers romanesque où la mélancolie règne. Et si ces vampires-là se contactent via iPhone, ils sont comme perdus dans une société sur le déclin où ils sont voués au secret. Un monde qui apparaît sans âme pour ces amants romantiques. Éternité et anachronisme vont de pair. Le scénario comme une histoire n’est pas précisément ce qu’il faut attendre ou chercher dans cet écrin d’atmosphère… À 61 ans, le réalisateur nous montre une nouvelle facette de son cinéma, comme aérienne et esthétique, et aux antipodes de Coffe and Cigarettes. Et si nous avions peu apprécié The Limits of Control (2009), l’avant-dernier, cet opus nous enchante. Il faut s’accorder du temps, se laisser porter par la poésie, la mélancolie, les images qui convoquent la Renaissance, et une bande-son à couper le souffle. Où l’on écoute notamment des pièces entêtantes du Hollandais Jozef Van Wissem, totalement en phase avec l’image de ces vampires élégants. On se laisse volontiers happer par cette mise en scène soyeuse et magique comme l’absinthe des poètes… in the mood for vampires.
© Corinne Bernard, juin 2014.

Only Lovers Left Alive, un film de Jim Jarmusch, avec Tilda Swinton, Tom Hiddleston, John Hurt, Mia Wasikowska, Jeffrey Wright… à l’affiche en Espagne, le 13 juin 2014.

A lire également