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La fille du RER

 Emilie Dequenne (Jeanne) © Vertigo Films, Spain.

                        

Jeanne et Louise, sa mère, vivent en banlieue parisienne. Mais ce n’est pas le bagne. André Téchiné nous débarrasse des clichés sinistres et c’est tant mieux, on respire. Jeanne a tout de la jeune fille comme les autres, légèrement paumée à l’heure des choix. Jusqu’à ce qu’elle s’entiche d’un garçon prêt à tout pour faire le beau, gagner de l’argent, y compris s’impliquer dans un trafic de drogue qui termine mal. Elle cherche vaguement du travail et vient de se voir refuser un poste dans le cabinet d’un avocat de confession juive qui a été un ancien prétendant de sa mère. Le sentiment de ne pas être aimée, d’être flouée par la société, va la mener à inventer un fait “exceptionnel” dans sa vie. Inspiré d’un fait divers de 2004 qui avait fortement secoué l’opinion publique à cause d’une « surmédiatisation » et d’un climat propice à toutes les parano… Une jeune femme avait prétendu avoir été la victime d’une agression antisémite dans le RER. Dans un climat déjà tendu en raison de multiples sauvageries de même caractère, tout le monde y avait cru malgré l’absence de témoins et aucune preuve tangible. Elle avait ensuite avoué son mensonge. Ici, le réalisateur des Roseaux sauvages, celui de l’adolescence, ou plutôt de cet âge incertain entre adolescence et vie adulte, sonde à  nouveau l’âme d’une jeunesse égarée. Émilie Dequenne est éclatante. Personnage fragile, pas tout à fait sur terre. Au fil des scènes, on sent bien que Jeanne va craquer, mais elle le fait sans cri. La violence vient finalement des autres. Elle est une victime. Victime de son propre mensonge. Malgré la noirceur du propos – où le cinéaste pose aussi la question de “l’arroseur arrosé” : qui manipule qui? À qui a profité cette affaire? -, le film est lumineux. La réponse aux questions est donnée par l’avocat, interprété par Michel Blanc (toujours très bon), lors d’une conversation avec la mère de Jeanne (Catherine Deneuve). Du côté de l’image, André Téchiné a fait un film solaire, il ne dépeint pas une banlieue misérable et quand sa caméra se promène à la campagne (où se trouve la maison de l’avocat), elle est presque irréelle. Une belle œuvre à ne pas manquer pour tout ça et pour se souvenir que la manipulation politico-médiatique est facile…

© Corinne Bernard, juin 2010. Parution : www.vivreabarcelone.com
La chica del tren (La fille du RER), d’André Téchiné, avec Emilie Dequenne, Catherine Deneuve, Michel Blanc, Mathieu Demy, Nicolas Duvauchelle… à l’affiche en Espagne à partir du 25 juin, en v.o au cinéma Renoir Floridablanca.

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