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La Corée vue par Noh Suntag





Corée du Nord, Corée du Sud, les conflits depuis son indépendance en 1945, le pouvoir du Juche, doctrine reposant sur l’idéologie marxiste-léniniste… la dictature. Les photos de Noh Suntag (Séoul, 1971), montrent tout cela. Une Corée du Nord en plein chaos politique, isolée du reste du monde. Sans internet, des médias contrôlés par l’État, rien ne filtre. Chaque année, ses habitants tentent de rejoindre la Corée du Sud en passant par la Chine, au péril de leur vie. L’expo démarre avec la série Black Hook Down, les hélicoptères américains, les Black Hawk, survolant la zone américaine en Corée du Nord. Le photographe fait un jeu de mots avec Hook, le pirate de Peter Pan et cite aussi Ridley Scott (Black Hawk Down). Des hélicoptères qui semblent irréels, dans un ciel clément. La longue série La Casa Roja (La boîte rouge) est de celles qui laissent sans voix. Vues d’ici, ces images sont d’un autre temps, irréelles aussi, on pense à toutes les images de propagande. Celles de la Chine communiste et de l’Union soviétique. Au cœur du XXIe siècle. Il s’agit du grand rassemblement de gymnastique sportive et de danse (qui ressemble surtout à un rassemblement militaire, quand on sait que la Corée du Nord compte un apparat militaire impressionnant). Le festival de Arirang, à la “gloire du passé révolutionnaire” et d’un futur avec la Corée du Sud, réunit chaque année jusqu’à 100 000 personnes. Une ode à la dictature communiste et à son chef d’orchestre depuis 2007, Kim Jong Il, héritier de Kim Il Sung. Une gigantesque fumisterie pour contrôler le peuple. Les photos de Noh Suntag sont souvent terrifiantes. Ces sentinelles avec jumelles dans la zone démilitarisée à la frontière entre le Nord et le Sud. L’État d’Exception, série qui donne le titre à l’exposition proposée à la Virreina, offre des images des deux Corées, le Sud avec son capitalisme galopant et le Nord, ancré dans l’isolement et l’endoctrinement communiste à la manière d’un Mao. Noh Suntag ne fait pas de concessions, son travail est celui d’un documentariste, chaque image en dit plus sur ces deux pays particuliers. Par exemple, les manifestations de groupes nationalistes en Corée du Nord, vieux restes toujours en oeuvre de la guerre de Corée (série La vie patriotique, 2003-2004). Les photos de State of Emergency, réalisées entre 2000 et 2007, montrent aussi les manifestations contre la présence militaire nord-américaine. Elle s’installe sur des terres jusque-là cultivées par les paysans. Déplacés, forcément. Du noir et blanc, violent, signifie l’ampleur des dégâts. Une image en forme de symbole, parfois. Où l’on voit un chien sur un terrain désert, juste après une manifestation contre l’ampliation de la base militaire nord-américaine, à Daechuri. L’animal est resté dans le village détruit car on n’a pas permis à ses maîtres de l’emmener. Cette photo résume à elle seule la désolation des deux côtés de la frontière. Et puis, ces policiers camouflés en photographes pour mieux observer des manifestants de la droite radicale, à Séoul, en 2004. Étranges manoeuvres, on songe au cauchemar de George Orwell.

© Corinne Bernard, novembre 2009. (Parution : www.vivreabarcelone.com)

Exposition visible jusqu’au 24 janvier 2010, au Palau de la Virreina (Espace 2), Rambla 99, Barcelone. Du mardi au vendredi, de 11h à 14h et de 16h à 20h. Samedi, dimanche et fêtes, de 11h à 20h. Fermé le lundi. Gratuit les dimanches, de 15h à 20h, et chaque premier dimanche du mois, toute la journée. www.bcn.cat/virreinacentredelaimatge

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