Passage De La Nuit

La nuit japonaise de Haruki Murakami

 
23h54, un bar à Tokyo. La jeune Mari lit un livre. Ailleurs, sa soeur Eri dort dans une chambre vide. Aucun objet, hormis une télévision, ne perturbe un sommeil profond. Haruki Murakami nous plonge dans un livre au style cinématographique où chaque chapitre égrenne les heures de la nuit. Le narrateur tient une caméra dont les travelling et les plans serrés sondent les âmes perdues. Mari est interrompue dans sa lecture par un jeune musicien qui prétend connaître sa soeur. D’abord distante, au fil de la nuit va naître une histoire hors du temps. 23h53, la caméra quitte lentement le visage endormi de la sublime Eri. Gros plan sur la télévision débranchée. L’écran s’allume. Un homme au visage voilé et aux contours immobiles apparaît. Ne cherchons pas à comprendre cette magie. Haruki Murakami adore David Lynch, nous le voyons bien. Plus nous avançons dans la lecture, plus l’atmosphère devient envoûtante, extravagante. Avec Le passage de la Nuit, il sème le trouble. Pourquoi les miroirs gardent-ils précieusement les reflets? Pourquoi Mari fuit sa soeur Eri? La nuit est pleine de secrets à effeuiller. Mais, si l’on veut plonger dans le meilleur de l’oeuvre intense, on lira surtout La ballade de l’Impossible. Paru pour la première fois en 1994, cet opus là est du meilleur cru. C’est en écoutant Norwegian Wood, des Beatles, que Watanabe se souvient de Kizuki et de sa petite amie Naoko. Le trio a dix-sept ans, ils sont inséparables. Une nuit solitaire, Kizuki se suicide. Un an après, Watanabe revoit Naoko. Ils font l’amour et puis, elle disparaît. Le voyage de Watanabe va se faire aux côtés du mal étrange dont souffre Naoko… Un roman initiatique, d’une poésie sans bornes, porté par les fantômes de Salinger et de Fitzgerald (Watanabe est fasciné par Gatsby le Magnifique). Murakami nous atteint en plein coeur. Il est des écrivains qu’on ne quitte jamais. Goûtez-y, vous verrez…

© Corinne Bernard

Le passage de la Nuit, Haruki Murakami, éd. Belfond, 230 p., 19,50 euros. « La Ballade de l’Impossble », Haruki Murakami, éd. Belfond, 390 p., 20,50 euros.

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