Le Basquiat du Raval
Jean-Claude Rodney a des airs de Jean-Michel Basquiat. Comme lui, il vient de Haïti, comme lui, il peint dans la rue. Excepté que lui, y dort aussi. Rencontre avec un peintre de talent.
Débarqué à Barcelone il y a trois mois à peine, cet artiste peintre ne semble pas avoir froid et, malgré les dix degrés affichés au thermomètre ces jours-ci, il peint dehors, là où il a élu domicile. Sa maison, elle est aux abords du MACBA, dans le Raval. Les mauvais hasards de la vie. « Je suis arrivé ici avec une soixantaine de toiles, on m’a tout volé les premiers jours. Je me suis retrouvé sans rien. Il a fallu que je trouve de la peinture, du bois, des toiles, des pinceaux… J’ai tout trouvé dans la rue, ici. » Avant Barcelone, Jean-Claude menait une vie moins marginale. « J’ai vécu pendant des années en Italie, j’étais marié à une italienne. J’ai un fils de 14 ans avec qui je suis toujours en contact ». La famille italienne a mal accepté ce mariage mixte… Alors il a choisi de partir. « Je recherchais la chaleur. Tout le monde me parlait de l’Espagne et de Barcelone… » Si vous passez par la rue Montalegre, vous le verrez, le pinceau à la main, parmi ses toiles. « Je me réveille chaque matin à six heures et je peins toute la journée, ça m’empêche de sombrer. En Italie j’avais un foyer et j’exposais dans des galeries » raconte-t-il, le sourire aux lèvres. Car il n’a pas d’amertume, ne se plaint pas de sa vie « dehors » , sans toit. La peinture, c’est toute sa vie: « C’est de la joie! », comme il dit. Mais comment fait-on pour ne pas perdre l’inspiration quand il fait trop froid? « Je pense que la peinture me donne du courage et peut-être une force intérieure. Et puis j’ai beaucoup de patience ». Notre Basquiat du Raval n’est pas du genre dépendant, sa drogue, c’est la toile. Des toiles aux couleurs vives inspirées de son enfance à Port-au-Prince: « J’ai quitté Haïti quand j’avais 14 ans mais je ne l’oublie pas ». Il possède un vrai talent, ses toiles méritent qu’on s’arrête. Du jaune, du rouge, du vert… Des femmes de Haïti au marché aux épices et d’autres souvenirs de là-bas. Jean-Claude Rodney aimerait rester à Barcelone: « J’aime cette ville et je voudrais y travailler, vivre de ma peinture » C’est tout le mal qu’on lui souhaite… qu’il connaisse le succès de Basquiat.
© Corinne Bernard (parution dans Pilote Urbain, janvier 2009)
Photos : © Jean-Benoît Kauffmann