Claude Cahun surprend par sa modernité. Son audace intemporelle, son authenticité. Sa maîtrise de l’autoportrait de genre ou plutôt l’autoportrait sans genre précis. Car c’était tout le propos de l’artiste née Lucy Schwob (1894-1954), se jouer des volontés sociales de l’époque aux côtés de ses amis Surréalistes (avec André Breton en mentor, son ami admiré). Montrer l’androgynie, l’ambivalence des genres au-delà de tous les codes et figures imposés. L’exposition organisée par le Jeu de Paume, en coproduction avec le Palau de la Virreina Centre de la Imatge, est visible dans le beau palais barcelonais Palau de la Virreina. Promenade.
« Masculin ? Féminin ? Mais ça dépend des cas. Neutre est le seul genre qui me convienne toujours. » Cette phrase de Claude Cahun donne une idée de son travail photographique et en particulier de ses autoportraits. Sans doute l’une des premières à produire ce qu’on appelle aujourd’hui une autofiction, à travers la photographie et l’écriture. Nous sommes en 1917, Claude Cahun écrit beaucoup et se photographie. Des autoportraits où elle se met en scène dans différents costumes, couleurs et coupes de cheveux, allant même jusqu’à les raser. Confondre les genres est son propos. Avec l’illustratrice Suzanne Malherbe, alias Marcel Moore, qui deviendra sa compagne de cœur et d’œuvre, notamment pour l’illustration de certains de ses livres, elle va bouleverser les concepts de genre, masculin-féminin. Ses autoportraits sont aussi des mises en scènes (I’am training don’t kiss me, 1927). Proche des surréalistes, intime d’André Breton qu’elle idéalise, Claude Cahun se joue de tout, et principalement des idées reçues, du conformisme. Elle défend Oscar Wilde et met au défit la société à travers toute son œuvre, photographique ou littéraire. Son ouvrage Aveux non avenus, est une sorte de collage ou photomontage racontant qui elle est, une véritable autofiction. Car Claude Cahun, comme tout artiste, se raconte sans cesse à travers son travail. Une manière de narcissisme en forme d’activisme doux qui ne la quitte pas.
Ses photos dépeignent une soif de se montrer à la fois telle qu’elle est, mais aussi telle qu’elle ne veut pas être : une simple image. Ainsi, elle apparaît souvent grimée, des maquillages parfois mystiques, inspirés du symbolisme et de l’orientalisme qui avaient bercé le XIXe siècle.
Dans les années 30, face à la montée des extrémismes, elle rejoint des groupes de gauche, voire d’extrême gauche, aux côtés des surréalistes. Plus tard, lorsque l’armée allemande occupe la France, elle envoie des tracts raillant les milices qui les conduiront, elle et Suzanne Malherbe, dans un camp de concentration. Condamnées à mort, elles décident d’un suicide à deux, mais échouent. Elles échapperont à leurs bourreaux de justesse, la Libération les sauve. Une vie militante et queer, une artiste face au miroir, Claude Cahun jusqu’à la fin.
© Corinne Bernard, décembre 2011. Parution : vivreabarcelone.com
Photos : 1) Claude Cahun, “Autoportrait”, vers 1929. Musée des Beaux-Arts de Nantes © RMN / Gérard Blot. 2) Sans titre, vers 1939. Claude Cahun. Tirage gélatino-argentique 24,5 x 19 cm. Collection Christian Bouqueret, Paris. 3) Aveux non avenus, planche I, 1929-1930, Claude Cahun et Moore. Tirage gélatino-argentique (photomontage) 40 x 25 cm. Collection particulière © Photo Béatrice Hatala. 4) Claude Cahun, “Autoportrait”, vers 1929. Collection Neuflize Vie © Photo André Morin. 5) Claude Cahun, “Autoportrait”, vers 1927. © Collection Soizic Audouar.