Panams2 360

Les secrets de la Rambla




Derniers jours pour l’expo Guia secreta de la Rambla… La Rambla de Barcelone, extravagante ou historique, photographiée, peinte, filmée. Jusqu’au 24 mai au Palau de la Virreina.


La Rambla est une source d’inspiration pour la photographie de rue. Parce qu’elle n’est pas seulement cette grande promenade qui mène au port, c’est la colonne vertébrale de toutes ses ruelles mystérieuses, un brin distordues. L’ancien barrio chino (quartier chinois) où Jean Genet posait les héros paumés de son  Journal du voleur. Ruelles sombres où la nuit libère putains, cloches, travestis et junkies… La Rambla telle qu’on ne la voit plus. Aujourd’hui, débarrassée de son authentitcité, de sa « grande gueule », moins mythique, moins mystique. Plus touristique. L’expo s’inspire du titre du livre de José Maria Carandell, publié en 1974, Guia secreta de Barcelona (Guide secret de Barcelone). Les années 30, le barrio chino et ses bordels, ses bouges et ses salles de bal où l’on vient pour s’enivrer, trouver l’amour ou quelque voyage hallucinant, la nuit toujours. La rue, avec ses jeunes motards le jour de la Diada, la fête de la Catalogne (Motoristas de la Rambla, Manel Armengol, 1977), Franco est mort depuis deux ans, un vent de liberté commence à souffler. Ces motards sont tout droit sortis d’un rêve américain qu’ils imaginent sans vraiment le connaître, on sort à peine de la censure et de l’ostracisme. 
Les cafés des marins
Xavier Miserachs, autre photographe de Barcelone, photographie tout ce qui se passe dans la rue, les vitrines, les comptoirs des bars, les kiosques à journaux. L’exposition lui consacre une salle où sont montrées quantité de planche-contact et photos extraites de son livre, Barcelone en noir et blanc. Sorti au début des années 60, il a beaucoup contribué à renforcer la notion de pittoresque de la ville et surtout, cette idée qu’elle est socialement mélangée, qu’elle bouillonne de cette multitude qui fait sa richesse. Miserachs photographie les hommes et femmes de la rue, comme un reporter, un témoin d’une époque, les années 60. Le célèbre Café de la Opera où l’on va encore aujourd’hui (photos de Manel Armengol). En face, le théâtre du Liceu, un cliché du catalan Oriol Maspons, où l’on voit une jeune femme assise à l’un des balcons du théâtre (Colette, 1961). Elle contemple la salle avant la représentation. Les marins américains que l’on croirait sortis du Querelle de Brest, Jean Genet encore (plus tard, filmés par Fassbinder), sortent du café Panam’s. Ils sont beaux et croisent une fille aux allures de pin-up (Panam’s, 1960, Francesc Esteve). Pep Cunties montre des prostituées dans leur vérité nue. Les moments intimes de la toilette ou de la sieste dans des chambres exiguës (série Meublés, 1978). 
Ocaña sans tabous
Plusieurs salles retracent le parcours d’une figure underground de la Rambla des années 70 : Ocaña. Un héros venu du Sud, débarqué à Barcelone en 73 pour y jouer l’activiste débridé et déluré : afficher sa liberté à tout prix. Débarrasser l’Espagne de ses   interdits. Peintre et personnage en pleine rébellion contre toute forme de tabou. Et puis, l’homosexualité affichée, réinventée, histoire de faire la nique à l’autoritarisme déguisé en  nonne catholique. Il prend la pose pour Daniel Ocampo (La Otra, 1979), à peine vêtu d’un peignoir ouvert sur une peau claire et glabre. Ailleurs, sur une photo couleur très théâtrale, il prend le thé tandis qu’on devine les fesses nues d’un homme au pied de la table. Des vidéos où Ocaña se montre au célèbre Café de la Opera, il y a foule pour l’écouter chanter. Ocaña peignait des portraits de son entourage. Et des situations où le sexe masculin était la référence absolue. La marque de sa propre révolution sexuelle. Et par-dessus tout, il adorait se travestir, chapeaux, boas et robes exubérantes pour se pavaner sur la Rambla avec ses amis. Un pied-de-nez à la foule de promeneurs trop sages. Il appelait cela « mes déguisements ». Il est mort en 1983. Pour une exhibition dans les rues de Séville, il portait une « robe-soleil » de papier qui a pris feu. Une révérence tragi-comique. Ocaña avait fait de sa vie un théâtre où il jouait l’impudeur, sa force.
Dora Maar, Ramon Masats, Brassaï… tous sont passés par la promenade la plus photographiée au monde. La Rambla, témoin des changements, personnification de Barcelone, en noir et blanc et en couleur. 

© Corinne Bernard, mai 2010. Parution : www.vivreabarcelone.com

Crédits photos : 1) Panam’s. Barcelona, 1960. © Francesc Esteve (coll. MNAC, Catalunya). 2) Sans titre (Ocaña, Séville, Espagne) © América Sanchez, 1979.

Exposition visible au Palau de la Virreina (Rambla, 99), Barcelone, jusqu’au 24 mai 2010. Du mardi au dimanche, de 12h à 20h. Entrée libre.


Publications similaires