Sommes-nous des Réplicants ?

Revoir Blade Runner aujourd’hui résonne comme une expérience troublante. Le film se déroule en 2019, à une époque sombre comme nous la vivons depuis quelque temps déjà. On peut y lire un écho aux bouleversements sociaux et environnementaux. Un monde déshumanisé, des pluies acides, des robots… Dans ce  film majeur de Ridley Scott les humains semblent dépourvus d’âme et les Réplicants fragiles. On songe, par exemple, à la fameuse scène finale incarnée par Rutger Hauer où la phrase « Vivre en ayant peur, c’est cela être esclave », lancée au Blade Runner Harrison Ford, apparaît comme une prophétie. Notre société du capitalisme à outrance entraînant toutes sortes de dérives bien réelles, ne répond-elle pas à cette citation ? Et puis nos libertés qui s’amenuisent pour nous garantir santé et sécurité (comme un déplacement vers Le Meilleur des mondes). 

Et puis, des questions philosophiques soulevées par une fiction dont on pourrait discourir sur le sous-texte durant des heures. Que veulent les Réplicants sinon un supplément de temps ? Le rêve humain ultime : l’immortalité. Est-ce que la vie vaut d’être vécue si l’on n’a pas aimé ? Humain, trop humain. Les Réplicants rêvent aussi. Ils possèdent même un supplément d’âme dans un monde glacé, déshumanisé, dominé par des humains robotisés, esclaves du système chaotique qu’ils ont créé. Ici, les androïdes sont des êtres perdus dans un labyrinthe d’interrogations qui ont été celles des humains des siècles passés. Des questions que ne se posent plus les hommes, trop accaparés par la guerre à livrer chaque jour. Les Réplicants de 2023 sont des outsiders. Ils voient le monde courir à sa perte et versent des larmes nocturnes sous une pluie acide.

© Corinne Bernard, août 2023.

Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick.

Blade Runner, un film de Ridley Scott, avec Sean Young, Daryl Hannah, Harrison Ford, Rutger Hauer (1982).