Le Corbusier et Jean Genet à Barcelone
Les Building-cuts de Gordon Matta-Clark
L’expo offre un parcours documenté où Genet et Le Corbusier croisent des mobiles de Calder, des autoportraits de Tàpies, des toiles de Dali, des photos de Brassaï, des sculptures de Joan Miró… Il s’agit avant tout de montrer l’influence des artistes et architectes sur la mise en espace d’une ville. Les habitations, l’agencement des rues qui font la ville et ses habitants. Et puis, avec le génial et inclassable Gordon Matta-Clark (1943-1978) et ses Building-Cuts, on observe l’utopique et pourtant réelle découpe d’immeubles, de demeures anciennes, vestiges du passé sur le point de rendre l’âme. Il opère alors une sorte de recomposition d’une structure vouée à une démolition imminente. L’exposition présentée ici, montre l’artiste new-yorkais découpant lui-même un bâtiment voué à la démolition, à Anvers (Office baroque, 1977). Un activisme urbain non dénué de poésie où il s’agit de donner comme une deuxième vie, créer une œuvre d’art à partir d’une architecture délabrée. En ce sens, Gordon Matta-Clark est plus proche de Genet, par sa propre marginalité aussi, celle qui consiste à réécrire, réinventer, rénover des objets existants. Des trous dans les murs, le sol, le toit, qui font entrer la lumière rayonnante dans un vieil immeuble, un supplément d’âme. Aujourd’hui, en 2012, le quartier du Raval après la dernière rénovation opérée en 2000, sa fameuse promenade, ou Rambla del Raval, voit naître une nouvelle population. Plus aisée, moins extravagante, exit les marginaux paumés rencontrés dans Le Journal du voleur. Malgré cette volonté politique d’assainissement, l’essence de l’ancien Barrio Chino demeure à jamais. Et l’on observe qu’un certain tourisme continue de le contourner.
Beaubourg vu par Rossellini
L’exposition se termine par le dernier film de Roberto Rossellini, maître du Néoréalisme italien. En 1977, il filme, sans paroles et sans fioritures, les réactions des visiteurs découvrant pour la première fois le Centre Pompidou. Le Centre Georges Pompidou présente le premier volet du projet Rossellini 77. L’œuvre de l’architecte Renzo Piano avait suscité de nombreuses controverses en raison de son avant-gardisme. Elle était la première architecture parisienne exhibant ses entrailles, tuyaux, tubes, boulons… Scandale aussi en raison des transformations de tout un quartier populaire qui traversait par le même temps un véritable processus de gentrification (démolition aussi de l’ancien marché des Halles). Avec Beaubourg, comme auparavant le Raval de Barcelone, de nombreux habitants perdaient leurs repères. Le film de Rossellini plonge le spectateur dans l’histoire de tous les quartiers populaires des grandes villes. Faire c’est défaire aussi.
© Estate of Gordon Matta Clark, VEGAP, Barcelone, 2012. Photo de Vanessa Miralles. 3) Le Centre Georges Pompidou, avril 1977. Producteur : Jacques Grandclaude. © Jacques Grandclaude – iMotion Films – Studio L’EQUIPE – Studio Francis Diaz, 2011.